En témoigne l’inactivité de ce blog depuis début 2020, la pandémie a mis un sacré coup à mes habitudes de lecture. Pour beaucoup, le télétravail a débloqué le temps libre nécessaire pour se remettre à lire régulièrement, mais pour moi, la suppression des transports en commun a eu l’effet inverse. En ajoutant à cela un manque de motivation et d’inspiration généralisé, couplé d’un accès réduit à ma bibliothèque qui a été d’abord fermée, puis victime d’une attaque informatique… Bref, une chose en entraînant une autre, mon rythme de lecture a dégringolé. Cependant, à la vue des premières couleurs brunes, oranges et jaunes de l’automne, c’est comme si mon instinct de lectrice s’était soudainement réveillé d’un long sommeil. Car après tout, quoi de plus agréable que de se poser dans son canapé, enroulé dans une couverture, avec une tasse de thé dans une main et un bon livre dans l’autre?
C’est dans cet état d’esprit que j’ai enfin décidé de reprendre ce blog. C’est la saison des courges et du chocolat chaud, des bougies parfumées et bien sûr… d’Halloween. À l’approche du mois d’octobre, quel plaisir de se plonger dans cette ambiance lugubre, effrayante ou parfois loufoque, à travers mes lectures. À cette occasion, j’ai concocté un mélange qui vous aidera peut-être, vous aussi, à remplir vos piles à lire automnales. Vous êtes plutôt zombies, fantômes, ou autres monstres? Ou bien préférez-vous l’ambiance d’un thriller ou d’une bonne vieille maison hantée? Plongez dans la marmite, il y en a pour tous les goûts.
Dans cette sélection éclectique, j’ai privilégié des titres féministes ou bien présentant des personnages non blancs et/ou queer. Même si j’ai lu la majorité dans leur langue originale, j’ai tenté de mettre un maximum de titres disponibles en français.
Bon séjour en maison hantée
Mexican Gothic – Silvia Moreno-Garcia

À la réception d’une lettre inquiétante, Noemi Taboada quitte le glamour de Mexico City pour venir en aide à sa cousine dans un manoir lugubre et isolé de la campagne mexicaine appartenant à son nouveau mari anglais. Mais plus Noemi tente de comprendre ce qui hante sa cousine, plus le mystère enveloppant la maison et ses propriétaires s’épaissit et elle semble elle aussi, peu à peu, perdre son ancrage à la réalité.
Comme son titre le laisse penser, ce livre contient tous les éléments d’un bon roman gothique sur fond de “maison hantée”. Manoir décrépi en haut d’une colline éloignée de toute civilisation, demoiselles en robes de nuit arpentant de longs couloirs une chandelle à la main, limites brouillées entre hallucinations, cauchemars et réalité. Pourtant, Mexican Gothic propose une déclinaison intéressante à ce genre très codifié. Par son environnement, déjà, puisque le gothique est habituellement associé au Royaume-Uni ou aux États-Unis. L’ombre du gothique occidental n’est pas loin bien sûr, puisque la maison appartient à des colons anglais, ce qui permet à l’autrice d’utiliser l’histoire de la colonisation anglaise au Mexique dans son intrigue. Ensuite, Noemi, la protagoniste, ne ressemble guère aux jeunes filles naïves et fragiles qu’on peut retrouver dans d’autres romans gothiques. Elle est sûre d’elle, courageuse et son caractère font d’elle un personnage qu’il est non seulement facile d’apprécier, mais aussi intéressant à suivre tout au long du roman. Néanmoins, c’est dans son ambiance et son écriture que se trouve pour moi les principales qualités de ce livre. Je pense que chacun pourra apprécier se plonger dans les corridors glacés de High Place, imaginant les ombres des bougies se projetant sur le vieux papier peint et frissonner devant les événements étranges se déroulant dans ce lieu à la fois splendide et maudit.
Rebecca – Daphne Du Maurier

L’héroïne de Rebecca travaille à Monte Carlo comme femme de chambre lorsqu’elle rencontre l’énigmatique Maxim de Winter. De par leur différence de statut, elle ne s’attend pas à ce que ses sentiments soient réciproques, mais ils sont vite mariés et emménagent à Manderley, une immense propriété sur laquelle semble planer le fantôme de sa défunte épouse, Rebecca, qui mettra leur mariage, ainsi que la confiance de l’héroïne, à rude épreuve.
Je n’entends pas beaucoup parler de ce roman lorsque l’on parle de maisons hantées, et pourtant, il s’agit pour moi d’un de ses exemples les plus indémodables et réussis. J’ai personnellement découvert Rebecca à travers le film d’Hitchock de 1940, qui est un de mes Hitchcock préféré et un visionnage que je recommande aussi pour Halloween. Mais le livre de Daphne Du Maurier, qui selon moi propose une expérience différente, est un chef d’œuvre tout aussi grandiose que je ne me lasse pas de conseiller. L’écriture et l’intrigue y sont prenantes, envoûtantes, de telle sorte qu’il est difficile de poser le livre une fois commencé. C’est un classique, mais très facile à lire, et contient tous les éléments d’un bon roman gothique, écrit par une femme, qui plus est. Il s’agit pour moi d’un must-read pour la période automnale.
Vous avez dit zombies?
Dread Nation – Justina Ireland

Dread Nation se déroule dans une guerre de sécession bien différente de celle écrite dans nos livres d’histoire. En effet, les États-Unis sont alors préoccupés par une apocalypse zombie et une partie de la population – à savoir les personnes noires et autochtones – sont forcées de rejoindre des écoles militaires destinées à alimenter une armée spéciale de contrôle des zombies. Jane est à peine sortie de l’école pour assurer la protection d’hauts diplomates qu’elle est impliquée dans une conspiration dont la menace semble plus dangereuse encore que celle des morts-vivants qu’elle est formée à chasser.
Dread Nation est un roman YA de fiction historique. Si vous avez envie d’un Halloween plus aventureux, ça sera le bon choix pour vous. La prémisse est intrigante et accompagnée d’un lore bien développé, l’héroïne et sa meilleure amie forment un excellent duo, les scènes d’action sont trépidantes et bien écrites et le mystère est intéressant à suivre. Bref, Dread Nation un livre bien mené qui vous transportera à travers l’histoire. Je trouve personnellement qu’il est bienvenu de lire sur cette période d’un point de vue afro-américain, même s’ il s’agit de fiction. Les œuvres comme Autant l’emporte le vent ont créé un certain récit autour de la guerre de sécession qu’il est difficile de déconstruire. Se placer du côté de l’oppressé plutôt que de l’oppresseur peut être un bon moyen de remettre en question ce récit, et le contexte d’apocalypse zombie permet d’incarner toute la violence infligée aux noirs américains, tout en prenant une distance nécessaire pour traiter d’un tel traumatisme. De plus les romans fantasy et historiques présentent très peu de perspectives noires, donc il s’agit d’un exemple assez unique en son genre dans le paysage de la YA. Pour cette raison ainsi que pour toutes les qualités citées ci-dessus, je ne saurai recommander ce livre plus chaudement.
Monstres et cie
The House in the Cerulean Sea – T.J. Klune

Il ne s’agit pas dans ce livre de monstres à proprement parler, mais d’enfants extraordinaires. Le travail de Linus Baker est de contrôler les lieux dans lesquels ils sont élevés, à l’écart de la société, pour leur “propre bien”. Mais lorsqu’il est envoyé sur une île pour évaluer une école pour le moins originale, gérée par un tuteur pas moins excentrique, par qui il se sent irrésistiblement attiré, Linus commence à questionner les règles auxquelles il tient tant, quitte à remettre en cause sa propre mission.
Ce livre vous est peut-être déjà familier, et pour cause. Il y a quelques mois, il était partout sur les réseaux sociaux, notamment Tik Tok qui en a littéralement fait exploser les ventes. Et si je me permets d’ajouter ma pierre à l’édifice, c’est que selon moi, cette hype est entièrement méritée. Imaginez une famille choisie, des personnages queer, une maison isolée en bord de mer pleine de petits monstres espiègles, un message d’acceptation et de déconstruction des normes sociales… le tout dans un excentrisme à la Roald Dahl! Vous avez là tous les ingrédients pour une lecture magique et réconfortante, qui parviendra à la fois à vous faire voyager et à vous sentir parfaitement chez vous. Le livre est abordable et adapté à un large public, également pour les personnes qui lisent peu, et je vous le conseillerais en particulier si vous avez du mal à vous extirper d’une panne de lecture. Je n’en dirai pas plus pour ne pas vous gâcher la découverte de ce joli roman qui vaut assurément le coup d’œil.
Esprits frappeurs
The Taking of Jake Livingstone – Ryan Douglas

Comme s’ il n’était pas assez difficile de s’intégrer dans une école majoritairement blanche, Jake doit en plus vivre avec un don des plus encombrants. Il est médium. Face à la malédiction de son existence, Jake ne voit qu’une seule solution. Ignorer les fantômes qui le suivent partout où il va et se couper du monde. Mais lorsque le responsable d’un événement meurtrier semble sortir d’entre les morts pour commettre de nouveaux méfaits, Jake comprend que détourner le regard ne suffira pas à l’éloigner du danger.
Si la prémisse ne vous a pas déjà accroché, laissez-moi vous dire que The Taking Of Jake Livingstone est un livre qui prend – littéralement – aux tripes. L’histoire se déroule dans un lycée, pourtant l’auteur n’hésite pas à plonger dans une ambiance glauque et terrifiante, avec des descriptions gores usant de l’horreur corporelle. Au-delà des fantômes qui le harcèlent nuit et jour, le mal qui hante Jake est aussi celui du racisme et de l’homophobie, propre à l’existence d’un adolescent noir et gay dans un lycée principalement blanc. Jake est un personnage torturé et attachant, et il est facile de trembler avec lui devant ses visions cauchemardesques. J’ai eu le souffle coupé à plusieurs passages et l’écouter en format audio m’a même valu plus d’un sursaut. Si vous cherchez un récit de style YA facile à lire mais un minimum effrayant, cette lecture est pour vous.
The Girl and the Ghost – Hanna Alkaf

Suraya est une enfant étrange et solitaire, jusqu’à ce qu’un fantôme donné par sa grand-mère, une sorcière, s’attache à elle pour ne plus la quitter. Elle le nomme Pink, comme sa couleur préférée, et ils sont inséparables jusqu’au jour où Suraya se fait une nouvelle amie. Elle découvre alors le côté sombre de son compagnon de toujours et une puissance qui va au-delà de son propre contrôle.
The Girl and The Ghost fait exactement l’effet d’une lecture de conte le soir avant de s’endormir. Mais si mon enfance a été baignée, comme beaucoup, par Raiponce, le petit poucet, le chat botté, et j’en passe, ce livre puise son inspiration dans des légendes malaisiennes. J’ai trouvé passionnant le fait d’explorer une mythologie sous cet angle, avec des personnages asiatiques et musulmans qui plus est. L’histoire est adaptée pour un jeune public mais n’en n’est pas moins émouvante et mature dans les thèmes qu’elle aborde. La relation entre Suraya et Pink est celle d’une fratrie ou d’une amitié qui est mise en péril par le passage du temps, la jalousie et la possessivité et montre à quel point il est facile qu’un sentiment aussi pur que l’amour bascule dans la toxicité lorsqu’il est teinté de mauvaises intentions. Néanmoins, le fantôme de ce livre n’y est ni bon, ni mauvais, mais un personnage gris et complexe qui est traité avec empathie, sans jugement. C’est une histoire de fantôme adorable et unique qui ne vous laissera pas indifférent.
Thriller night
Sharp Objects/Sur ma peau – Gillian Flynn

Lorsque plusieurs jeunes filles sont retrouvées mortes dans des circonstances lugubres, Camille est renvoyée dans sa ville natale pour mener un reportage. Séjourner dans la maison de son enfance avec sa mère hypocondriaque et manipulatrice, ainsi qu’une demi-sœur qu’elle connaît à peine, ramène des souvenirs douloureux, et en menant l’enquête, Camille est confrontée à ses propres démons.
Gillian Flynn est une autrice dont j’admire particulièrement le travail depuis l’adaptation de son roman Gone Girl, ou (Les Apparences en français) par David Fincher, dont elle a par ailleurs elle-même écrit le scénario. Il s’agit de son œuvre la plus populaire et l’un de mes thrillers préférés. Mais sa courte bibliographie cache d’autres pépites, comme Sharp Objects, un thriller brillamment exécuté. HBO l’a adapté en une excellente mini-série que je vous conseille également. Je tiens tout de même à préciser qu’il s’agit du livre le plus sombre de cette liste et il n’est pas à mettre dans toutes les mains, car il aborde des thèmes tels que l’automutilation, le viol, la dépression et comporte des descriptions de crimes très morbides. Gillian Flynn fait partie de ces auteurs avec une écriture très cinématographique, ce qui est certainement dû à son profil de scénariste, mais dont le talent réside également dans la finesse psychologique de ses personnages. Un de mes aspects préférés de ce livre, c’est sa capacité à jouer sur les stéréotypes sexistes pour détourner les attentes du lecteur d’une manière qui est déroutante, dérangeante, mais toujours subtile. Sa compréhension des médias et des dynamiques de genre me fascine et c’est ce qui fait, pour moi, toute l’intelligence de ses thrillers. Si vous cherchez le frisson, c’est par ici.
J’espère que vous trouverez votre bonheur parmi cette sélection spéciale Halloween et saison automnale. Cet article m’a permis de me replonger dans d’anciennes lectures ainsi que de découvrir de nouveaux livres que j’ai lu pour l’occasion, et je serai ravie d’avoir vos propres recommandations pour commencer ma liste de l’an prochain. Sur ce, je vous souhaite un joyeux Halloween!
Vive le retour à la lecture 🙂 Le titre qui me tente le plus dans ta liste est Mexican Gothic car j’aime bien les maisons hantées ! Et sinon, le seul que j’ai lu dans ton article est celui de T. J. Klune qui est un de mes auteurs préférés ❤ Dans The House in the Cerulean Sea l'auteur n'est pas aussi déluré niveau humour que dans ses autres romans (qui sont plus à destination des adultes) mais j'ai adoré suivre les aventures de Linus et de toute la maisonnée 🙂
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